Savez-vous déguster le Champagne ? On suit la même démarche (étape visuelle, olfactive, et gustative) que pour tout vin, en prenant en compte cette particularité qui caractérise les effervescents : la bulle !
Dans cet article, je vais partager avec vous tout ce qu’il vous faut savoir sur la bulle de Champagne : son origine, la manière de la caractériser, en quoi elle joue (ou non) sur la qualité du Champagne… au travers de 4 étapes.
Avant toute chose, je remercie Gérard Liger-Belair, physicien, notamment spécialiste de la bulle et auteur de l’excellent livre « Effervescence, la science du Champagne ». Il a gentiment accepté de relire le contenu de cet article, et la plupart des illustrations sont extraites de son livre.
Etape 1 : Comprendre comment naît le Champagne
Rappelons que l’alcool naît de la fermentation du sucre sous l’action des levures, et que cette réaction est accompagnée d’un dégagement de C02 :
Sucre -> alcool + C02
C’est la base, tout alcool naît de cette transformation du sucre, que le sucre provienne du raisin (pour le vin), de l’orge malté (pour la bière), de la pomme de terre, de la poire, de la pomme, du sucre de canne, etc …
Suite à cette fermentation du sucre du raisin, on obtient donc un vin blanc tranquille, c’est-à-dire non effervescent (le C02 s’échappe en effet des cuves ouvertes).
Maintenant, pour obtenir le Champagne, on assemble différentes cuvées de vins tranquilles issus de cépages et d’année différents.
On ajoute ensuite du sucre et des levures (c’est ce qu’on appelle la liqueur de tirage), on obtient alors une 2ème fermentation logiquement accompagnée d’un dégagement de C02.
Sauf que cette fois, les bouteilles bouchées ne permettent pas au gaz carbonique de s’échapper. Le gaz est donc dissous dans la bouteille, c’est la prise de mousse.
Plus le gaz dissous dans le Champagne est important, plus la pression sous le bouchon est importante. Logique, non ? C’est ce qu’on appelle la loi de Henry.
Ensuite le champagne est laissé en contact avec les levures mortes issues de la fermentation, pendant plusieurs années. C’est le vieillissement sur lies (les lies étant les levures mortes issues de la fermentation). Les levures sont en quelque sorte digérées par le Champagne (un phénomène appelé l’autolyse), ce qui transmet des arômes toastés, d’amande, de noisette, de pain grillé, au Champagne.
Voilà pourquoi les champagnes qui sont vieillis longtemps sur lies (comme les champagnes millésimés ou les grandes cuvées) développent ce type d’arômes.
Les bouteilles sont ensuite inclinées vers le bas (c’est le remuage) puis dégorgées (c’est-à-dire ouverte pour expulser les sédiments de levures). Le vin expulsé par le dégorgement est complété par une petite quantité de « liqueur d’expédition » (en fait du vin avec du sucre). La sucrosité de cette liqueur va déterminer si le champagne est brut (voire extra brute quand il n’est presque pas dosé), ou sec, demi sec, doux.
Etape 2 : Comprendre comment est crée la bulle
Voilà donc notre champagne, qui dispose d’une concentration importante de C02 suite à la 2ème fermentation en bouteille. A l’ouverture de la bouteille, la pression du gaz emprisonnée sous le bouchon (à l’origine de 6 bars), baisse brutalement.
Or, souvenez vous, la loi de Henry veut qu’il s’établisse un équilibre entre la pression à l’intérieur de la bouteille et la pression extérieure (en contact avec le liquide). Le gaz emprisonné dans la bouteille va donc chercher à s’échapper pour rétablir l’équilibre. D’où une explosion de bulles… ce dégagement de gaz est plus important encore si la bouteille a été remuée, car cela tend à mélanger le gaz carbonique au Champagne.., d’où le pop caractéristique.
Bref, à l’ouverture, le gaz s’échappe, en partie sous forme de bulles, et également de manière invisible à la surface du verre.
Vie et mort d’une bulle … C’est grâce aux petites impuretés présentes sur les parois du verre que les bulles vont se former. En effet, ces petites impuretés emprisonnent un peu d’air. Lorsque le champagne est versé dans le verre, son gaz carbonique s’engage dans les petites poches de gaz emprisonnées dans ses impuretés, ce qui crée la formation d’une bulle. La bulle ne naît pas ex nihilo : il lui faut cette poche de gaz, appelé site de nucléation, pour que les molécules de gaz grossissent, jusqu’à avoir assez d’énergie pour remonter à la surface du liquide.
Bref, c’est grâce aux impuretés que les bulles se créent. Au bout d’un moment, toutes ces petites poches de gaz se vident de leur gaz par la formation des bulles, d’où la disparition progressive des bulles. (Ce qui n’empêche pas le gaz de continuer à s’échapper à la surface du verre, mais par diffusion directe, sans créer de bulles).
Sur les photos, vous voyez la naissance d’une bulle de Champagne depuis une particule, qui constitue un site de nucléation.
Etape 3 : Comprendre ce qui joue sur la taille de la bulle
La taille des bulles, leur fréquence, est fonction de la taille de ces impuretés. Intuitivement, plus l’impureté est grosse, plus elle emprisonne de gaz, et plus la bulle crée sera grosse. Au bout d’un moment, ce site de bullage est épuisé (car il n’emprisonne plus de gaz, et le bullage s’arrête).
Si vous essuyez grossièrement votre verre avec un chiffon laissant de nombreuses fibres de cellulose, nul doute que les bulles seront plus nombreuses !
La taille de la bulle est aussi fonction de la teneur en gaz carbonique du champagne. Plus il y a de C02 dissous, plus les bulles sont grosses et nombreuses. Par exemple, dans une bière, la bulle est plus fine car il y a moins de gaz dissous (si si, regardez bien !).
Dans votre verre de champagne, la bulle est d’ailleurs plus fine au bout de quelques minutes qu’au moment du versement. C’est logique. Plus de gaz au début, donc des bulles plus grossières. Ensuite, le gaz se dissipe, et la bulle devient plus fine.
On dit parfois que la taille de la bulle de champagne est un indicateur de qualité… C’est faux, c’est plutôt un indicateur de la quantité de gaz. Mais il est vrai qu’il y a moins de gaz dans un vieux champagne, car une partie du gaz s’est dissipé. On peut donc effectivement établir une corrélation entre un vieux champagne et une bulle fine.
Etape 4 : Comprendre l’importance du verre
Flute, coupe, ou … gobelet en plastique ? La large surface de la coupe de champagne traditionnelle présente l’inconvénient de diffuser rapidement le gaz. Il est plus compliqué d’observer la formation des bulles dans la coupe. D’autre part, sa forme évasée ne lui permet pas de concentrer les arômes, à la différence de la flûte ou du verre tulipe.
Préférez donc la flûte !
Au passage, avez-vous observé comme les bulles de champagne sont grossières dans un gobelet en plastique ? Elles n’ont pas la finesse des bulles crées dans la flûte de champagne. A quoi cela est-il dû ?
Et bien, le plastique du gobelet est un matériau dit hydrophobe : comme son nom l’indique, il n’aime pas l’eau, et préfère le gaz. En d’autres termes le champagne mouille mal les parois du gobelet. Au lieu de s’échapper vers la surface du verre, les bulles vont donc avoir tendance à s’accrocher aux parois du verre. Elles devront être suffisamment grosses pour remonter à la surface.
D’ailleurs, ce phénomène peut arriver avec une flûte classique : si votre flûte est un peu sale, contaminée par des particules organiques de l’air, elle peut être localement hydrophobe et … avoir un comportement qui rappelle celui du gobelet en plastique.
J’espère que cet article vous a permis de mieux comprendre la science de la bulle de Champagne.
Et vous, êtes-vous amateur de bulles ? quels sont vos effervescents préférés ?