Voici une règle simple et efficace pour bien accorder les plats et les vins.
Cette règle constitue le pilier de la construction d’un accord mets et vins, la condition sine qua non pour ne pas créer une mauvaise association.
En fin d’article, j’illustrerai ces explications avec l’exemple du foie gras.
Ainsi, vous comprendrez pourquoi l’accord classique « foie gras + vin moelleux » (Sauternes, Jurançon, ..) n’est pas une obligation ! … et vous aurez quelques clés pour mieux apprécier l’accord vin et foie gras.
Vous trouverez des grilles d’accords mets/vins dans différentes ressources : Sur Internet, dans des livres spécialisés.
En ce qui me concerne, je ne souhaite pas vous donner de listes « classiques » d’accords mets et vins.
En effet, il me semble beaucoup plus intéressant de vous montrer comment l’accord met et vin fonctionne, de le décortiquer pour que vous puissiez l’appliquer lors de vos repas.
Le pilier de l’accord mets et vins
Si vous mariez un plat et un vin, c’est pour créer une harmonie.
Par définition, l’harmonie résulte d’un équilibre.
Et pour créer un équilibre, il faut respecter les intensités. En d’autres termes, le plat ne doit pas écraser le vin, et le vin ne doit pas écraser le plat.
On peut faire l’analogie avec un couple : pour créer une harmonie, il ne fait pas qu’un élément prenne le dessus sur l’autre !
J’appellerais cela la règle de l’équilibre des intensités.
Elle constitue la condition de base pour espérer créer une harmonie.
Par exemple : un blanc de poulet cuit à la vapeur correspond à une intensité de plat légère. Des huîtres également.
Il faut donc choisir un vin qui ne viendra pas écraser ces mets.
Un coq au vin sera un peu plus puissant.
Du gibier encore plus.
L’échelle d’intensité des mets
Pour mettre facilement en pratique la règle de l’équilibre des intensités, je vous propose cette échelle d’intensité des mets.
Elle est à nuancer en fonction des accompagnements, des sauces, des degrés de cuisson, … mais elle vous donne une idée de l’échelle des intensités.
Bien, comment lire cette courbe ?
Cette courbe veut dire que pour les mets situés en bas (crustacés, entrées, …), je choisirai plutôt un vin léger.
Et pour les mets en haut (viandes rouges puissantes, desserts, …), je choisirai plutôt un vin puissant.
Logique, non ? 😉
Mais alors, qu’est ce qu’un vin dit « léger » ? et un vin « puissant » ?
Ce qualificatif est lié au corps du vin, sa matière (= l’impression de volume qu’il procure en bouche), et à sa persistance aromatique.
Un vin « qui reste longtemps en bouche » (notion de persistance), qui « emplit la bouche » (notion de corps ou matière), sera puissant.
L’échelle d’intensité des vins
Là aussi, pour vous aider et simplifier cette idée, je vous donne juste en dessous cette échelle d’intensité des vins.
Comme précédemment, il faut nuancer un peu tout cela, mais cela vous donne de grandes bases pour respecter l’intensité du plat et du vin… et donc pouvoir créer une harmonie.
Lier les intensités des mets et des vins
Maintenant, nous pouvons superposer ces 2 courbes pour les mettre en correspondance.
Voilà ce que nous obtenons :
Vous pouvez cliquer sur le dessin pour l’agrandir.
Comment lire cette courbe ?
Il vous suffit de visualiser les correspondances pour respecter l’échelle d’intensité du plat et celle du vin.
Cette correspondance vous donne les grandes bases pour équilibrer les intensités plat / vin.
Ceci vous permet d’avoir les conditions pour créer une harmonie.
Une application pour l’ordre de service des vins
Je pourrai lire les graphes de cette manière : en allant du bas vers le haut, je monte en intensité.
Lors d’un repas, on respecte généralement l’ordre des plats, du bas vers le haut : fruits de mer, entrée, poisson, viande, dessert.
Ceci permet de faire un enchaînement progressif, de monter en puissance.
C’est important d’y aller crescendo : Car si vous commencez par une mousse au chocolat, puis que vous enchaînez sur le poisson, nulle doute que vous allez tuer le poisson une 2ème fois ! Vos papilles doivent monter en gamme pour être en mesure d’apprécier chaque étape du repas.
Pour le vin, c’est pareil, mais on l’oublie trop souvent.
Il faut commencer par le bas, puis remonter vers le haut.
D’abord les Champagnes, les blancs secs, puis les rouges légers, les rouges plus puissants, et le sucre à la fin.
Et oui, le porto ou le Sauternes, c’est pour la fin du repas !
En pratique : l’exemple du foie gras
Je sais que le repas n’est pas un long fleuve tranquille… et qu’il est parfois difficile de respecter cet ordre dans le service du vin.
En effet, imaginez un repas de fêtes, qui commence traditionnellement par du foie gras.
Vous commencez par le foie gras et hop, vous y collez un vin moelleux.
Du coup, la règle qui consiste à y aller crescendo n’est pas respectée !
Que faire alors ?
Répondez d’abord à cette question : où se situe notre foie gras sur la courbe d’intensité ?
Et bien, ça dépend !
Ça dépend principalement de la manière dont vous l’agrémentez : si vous y associer un peu de confiture de figue, un abricot confit, ou de la compote d’oignon, vous y apportez une touche sucrée qui le fait glisser dans les gourmandises sucrées, c’est-à-dire en haut.
Et effectivement, on peut alors y associer un vin moelleux. On jouera en plus sur l’harmonie des arômes : l’abricot sec associé au foie gras, et les notes de fruits confits du Sauternes, par exemple.
Dans ce cas, l’idéal sera alors de servir le foie juste avant le dessert pour ne pas écraser les papilles (mais oui, essayez !). En toute logique, on réservera alors le sucre pour la fin.
Regardez le graphe ci-dessus, il vous donne ces grandes tendances.
Maintenant, si j’associe à mon foie gras un peu de gros sel et du poivre, on repart vers le bas, vers les entrées.
Et l’accord pourra se faire avec un blanc ou un rouge.
Pour l’harmonie des arômes, il sera intéressant de partir sur un rouge aux notes poivrées, mais aux tanins fins pour ne pas écraser le met : un pinot noir, ou bien un millésime évolué du bordelais, par exemple.
Une chose encore
Je n’ai pas parlé dans cet article de l’harmonie qui peut être crée en associant différentes saveurs, différents arômes, et différentes textures : nous aurons l’occasion d’en reparler. Je me suis concentré sur cette règle de base de respect des intensités, j’espère qu’elle vous sera utile pour mieux comprendre les grandes bases de l’accord mets et vins